par Tina Renier, Policy Officer, Inter-Council Network
« La COVID-19 est un avertissement qui devrait pousser les gouvernements, les organisations de la société civile, les dirigeant-e-s d’entreprises, les groupes communautaires et les autres parties prenantes clés à tirer des leçons de la pandémie » — Extrait du Rapport 2020 sur les objectifs de développement durable de l’ONU
Au niveau mondial, le nouveau coronavirus 2019 (COVID-19) constitue une crise sans précédent qui a renversé les progrès réalisés sur le plan des indicateurs de développement humain et économique. L’érosion de la qualité de vie et des moyens de subsistance est évidente dans le rapport 2020 du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) sur les statistiques du développement humain qui montre que l’on prévoit une augmentation de 40 à 60 millions de personnes vivant dans une pauvreté extrême et multidimensionnellei. Il y a un grave déficit d’accès à des soins de santé de qualité, à l’éducation et à des revenus de subsistance. La majorité des communautés marginalisées dans les pays en développement disposent de peu ou d’aucun accès à un filet de sécurité sociale. Cela s’explique par les disparités systémiques en matière de richesse et de ressources. Ces problèmes de développement humain sont aggravés par une récession économique. Selon les prévisions de la Banque mondiale, l’économie mondiale devrait se contracter de 5,2 % dans la deuxième moitié de 2020ii.
De plus, la pandémie n’a pas seulement mis à rude épreuve les systèmes de santé publique, les chaînes alimentaires et les économies locales : elle a aussi perturbé les programmes de développement, l’aide humanitaire et les initiatives d’engagement du public dans le secteur de la coopération internationale canadienne. Bien que les activités publiques en présentiel soient préférables idéalement et qu’elles permettent de vivre une expérience unique en face à face, les stratégies d’engagement du public traditionnelles ne se sont pas avérées très efficaces pour inclure des groupes qui sont souvent exclus des activités d’engagement du public. Ces groupes continuent de subir les conséquences négatives des inégalités de pouvoir existantes. La situation difficile de ces groupes a été aggravée par les impacts liés à la crise. Ces groupes incluent les femmes et les filles, les personnes LGBTQIA, les personnes bispirituelles, les populations racisées comme les peuples d’ascendance africaine, les Autochtones, les personnes en situation de handicap, les jeunes, les personnes âgées, les personnes vivant dans les régions rurales et les personnes immigrantes.
La COVID-19 représente à la fois une menace et une occasion unique pour les organisations à but non lucratif canadiennes dans le secteur de coopération internationale. La transition des activités en présentiel vers une programmation en ligne permettra aux organisations de redéfinir le sens et les façons de faire l’engagement du public de manière efficace et inclusive. Comme discuté lors du récent webinaire du Réseau de coordination des conseils, L’évolution du contexte de l’engagement du public et de l’éducation à la citoyenneté mondiale, l’innovation est au cœur de la redéfinition de l’engagement du public. L’innovation en engagement du public ne se limite pas simplement à expliquer aux membres du personnel, aux collègues et aux partenaires de notre secteur comment utiliser Zoom, Skype et les technologies adaptées pour répondre à la demande de nouveaux programmes et d’activités en ligne. Nous croyons que le public devrait être activement impliqué dans l’évaluation des incidences de la COVID-19 sur les progrès réalisés vers l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD), en matière d’égalité des genres et dans les domaines d’action de la Politique d’aide internationale féministe (PAIF) du Canada.
Notre responsabilité, en tant que coalition luttant pour la justice sociale dans le monde, est d’aider le public à comprendre que nous ne pouvons pas revenir aux façons de faire pré-COVID-19. Un retour à la normale ne remettra pas en cause les institutions qui ne travaillent pas dans l’intérêt collectif. On nous invite à écouter activement les différentes perspectives des communautés, à mobiliser systématiquement les groupes grâce à nos réseaux et à favoriser la sensibilisation à travers le partage des connaissances et l’apprentissage par les pairs. Notre récent webinaire a montré l’importance d’aborder les questions de pouvoir et de privilèges dans le cadre de conversations nationales en donnant la parole aux groupes qui sont rarement entendus. Nos intervenantes dynamiques ont discuté d’une panoplie d’enjeux qui ont été mis en évidence par la pandémie. Les systèmes d’oppression interdépendants auxquels font face différents groupes de femmes et de filles, le racisme anti-noir et la violence systémique contre les communautés noires, les gestes symboliques dans la promotion de la jeunesse, la vulnérabilité socioéconomique et politique des personnes LGBTQIA dans les pays du Sud, et la lutte constante pour la souveraineté des peuples autochtones dans les sociétés coloniales, comme celle du Canada, ont été parmi les principaux thèmes abordés. Les intervenantes ont également proposé des recommandations pratiques pour favoriser l’introspection et sur la façon dont nous pouvons transformer ces idées en actions concrètes. Ces recommandations incluaient notamment le renforcement de l’analyse comparative entre les sexes et de l’approche intersectionnelle pour évaluer les effets multidimensionnels et à long terme de la COVID-19 sur les femmes et les filles, et la reconstitution d’espaces sécuritaires pour les personnes noires. Cela sera utile pour répondre aux besoins spécifiques des peuples d’ascendance africaine. Parmi les autres excellentes suggestions proposées, il a été question d’accroître le leadership des jeunes dans les initiatives de développement par le biais de stratégies créatives, de souligner l’importance de l’expertise du Sud en développement international et d’en apprendre davantage sur les populations autochtones et les connaissances locales pour mettre en œuvre les objectifs de développement durable. Redéfinir l’engagement du public nous aidera à imaginer ce que à quoi notre société devrait ressembler après la COVID-19. Les approches féministes intersectionnelles, menées par les jeunes, du Sud et autochtones en matière d’engagement du public peuvent favoriser un processus de relance post-COVID équitable au Canada et à travers le monde.
i) Programme des Nations Unies pour le développement. (17 mai 2020) Perspectives de développement humain COVID-19 : évaluer l’impact, envisager la reprise. New York : États-Unis. Extrait de http://hdr.undp.org/en/hdp-covid
ii) Banque mondiale. (8 juin 2020) The Global Economic Outlook During the COVID-19 Pandemic: A Changed World. Extrait de https://www.worldbank.org/en/news/feature/2020/06/08/the-global-economic-outlook-during-the-covid-19-pandemic-a-changed-world