Je ressens une immense angoisse chaque fois que je m'apprête à lire ou à écouter les nouvelles. Je me prépare à voir et entendre toujours plus d’histoires illustrant l’érosion des droits que nous avons longtemps pris pour acquis à l'échelle mondiale. Les progrès en matière de démocratie, de décolonisation, d'antiracisme et d'égalité des genres, entre autres, semblent non seulement stagner, mais se désintégrer sous nos yeux. Il est facile de se sentir impuissant dans ce contexte. Après tout, que peut faire une personne ordinaire comme moi pour changer ou influencer tout cela ? Il est plus facile de se cacher derrière un sentiment d'impuissance et de peur.
Pourtant, en tant que membre d'une organisation œuvrant dans le secteur de la coopération internationale, je sais que le déni et l'inaction ne sont pas des options. Je sais que les changements les plus significatifs à travers la planète ont été réalisés par des « gens ordinaires », comme vous et moi, qui n'avaient rien d'autre que le courage de faire front commun, qui ont élevé leurs voix et les ont rendues impossibles à ignorer. Et je sais que les organisations et mouvements de la société civile ont joué un rôle crucial dans la promotion de ces changements grâce au pouvoir de l'engagement du public. Ils ont aidé les gens à comprendre et à se soucier des injustices partout dans le monde. Ils ont mobilisé la force du collectif pour exiger des actions concrètes. Ils ont offert aux gens des moyens de proposer des idées pour résoudre des problèmes persistants. Ils ont organisé des actions pour démontrer la solidarité et un sentiment d'unité qui inspire et nous donne du courage même face à une oppression insupportable. Il n'y a rien que les autoritaires craignent davantage. C'est précisément pourquoi l'une des premières choses qu'ils font est de chercher à diviser, contrôler ou éliminer les organisations de la société civile.
Bien que je suppose que la plupart des personnes dans notre secteur le savent et travaillent chaque jour avec les meilleures intentions, je crains que nous ne facilitions la tâche aux autoritaires lorsque nos appels à l'action (ou les approches que nous utilisons) finissent par semer la division entre nous. Je le vois quand nous commençons à pointer du doigt ou à nous retourner les uns contre les autres parce que nous ne sommes pas parfaitement d'accord sur chaque chose que nous défendons ou contre laquelle nous luttons. Ou quand nous établissons des normes irréalistes sur la façon dont les gens devraient penser ou se comporter. Quand nous attendons la perfection et la pureté dans nos actions passées ou présentes. Quand nous préférons avoir raison plutôt qu'être stratégiques dans notre quête de justice sociale. Quand nous dirigeons notre colère et notre frustration pour attaquer ceux et celles avec qui nous sommes alignés souvent ou même la plupart du temps, au lieu de nous concentrer sur les systèmes qui ont créé les injustices. Quand nous ne parlons et n'écoutons que le chœur habituel, au lieu de construire des alliances avec des personnes et des organisations au-delà de nos réseaux traditionnels. Je crains que de telles tactiques ne continuent à réduire la taille de notre tente, diminuant notre capacité à générer des changements durables.
Alors, que pouvons-nous faire dans notre secteur pour favoriser un engagement du public porteur de sens, inclusif et transformateur ? La principale action qui me vient à l'esprit est d'être ouvert à l'apprentissage et même d'adopter les 10 principes du cadre de la Compassion Juste (CJ), défendu par Loretta Ross. Cette universitaire et militante inspirante pour les droits des femmes, l'antiracisme et la justice reproductive utilise ce cadre comme moyen d'atteindre des objectifs de droits humains et de justice en utilisant l'amour et la compassion. Elle plaide pour la reconnaissance du pouvoir de l'empathie, de l'établissement de relations, de l'inclusion, de la joie, de l'équité, du pardon, de l'acceptation de l'imperfection, du travail à travers les désaccords, de la diversité des tactiques et de l'élargissement de la tente pour rassembler différents groupes de personnes afin de démanteler les systèmes injustes. Loretta nous invite à changer notre état d'esprit pour que la vulnérabilité et la compassion soient considérées comme une force, et non une faiblesse. Elle nous encourage à amener de plus en plus de personnes dans nos mouvements et à leur offrir un lieu d'appartenance et d'inclusion, même si nous ne sommes pas toujours d'accord sur tout.
Maintenant, chaque fois que je vois les nouvelles et que je ressens de la colère ou de la frustration envers des personnes qui pourraient être des alliés potentiels, je dois me rappeler que les changements que nous recherchons exigent que nous soyons et agissions ensemble dans nos différences, et que je dois faire ma part pour faire grandir notre mouvement, car c’est seulement de cette manière que nous pourrons atteindre nos objectifs. Et c'est pour cela que nous nous engageons, n'est-ce pas ?

 En tant que directrice exécutive adjointe d’Oxfam Canada, Carolina supervise la stratégie organisationnelle, la planification des opérations et des rapports, ainsi que la gestion des risques. Elle mène aussi les engagements envers la justice, l’équité, la diversité et l’inclusion (JEDI), la réconciliation, les droits autochtones, les principes féministes et la décolonisation de l’aide internationale. Carolina possède près de vingt ans d’expérience au sein d’organisations canadiennes à but non lucratif qui luttent contre la pauvreté et les inégalités, ainsi que dans des établissements publics et privés de son pays d’origine, la Colombie. Elle a dirigé des équipes pour concevoir et financer des programmes de développement international, représentant plus de 220 millions de dollars canadiens dans plus de 20 pays. Carolina est passionnée par la promotion de l’égalité des genres ainsi que par les droits, l’autonomisation et le leadership des femmes et des filles, dans toute leur diversité. Elle détient un certificat de maîtrise en gestion de projets de la Sprott School of Business de l’Université Carleton, ainsi qu’une maîtrise en études de conflits décernée conjointement par l’Université Saint-Paul et l’Université d’Ottawa. Elle possède également un diplôme de deuxième cycle en études sur les conflits armés et la paix de l’Universidad de los Andes, ainsi qu’un baccalauréat en études gouvernementales et relations internationales de l’Universidad Externado de Colombia.
En tant que directrice exécutive adjointe d’Oxfam Canada, Carolina supervise la stratégie organisationnelle, la planification des opérations et des rapports, ainsi que la gestion des risques. Elle mène aussi les engagements envers la justice, l’équité, la diversité et l’inclusion (JEDI), la réconciliation, les droits autochtones, les principes féministes et la décolonisation de l’aide internationale. Carolina possède près de vingt ans d’expérience au sein d’organisations canadiennes à but non lucratif qui luttent contre la pauvreté et les inégalités, ainsi que dans des établissements publics et privés de son pays d’origine, la Colombie. Elle a dirigé des équipes pour concevoir et financer des programmes de développement international, représentant plus de 220 millions de dollars canadiens dans plus de 20 pays. Carolina est passionnée par la promotion de l’égalité des genres ainsi que par les droits, l’autonomisation et le leadership des femmes et des filles, dans toute leur diversité. Elle détient un certificat de maîtrise en gestion de projets de la Sprott School of Business de l’Université Carleton, ainsi qu’une maîtrise en études de conflits décernée conjointement par l’Université Saint-Paul et l’Université d’Ottawa. Elle possède également un diplôme de deuxième cycle en études sur les conflits armés et la paix de l’Universidad de los Andes, ainsi qu’un baccalauréat en études gouvernementales et relations internationales de l’Universidad Externado de Colombia.
Références:
TED Talk avec Loretta Ross - Don't call people out, call them in, et son nouveau livre, ‘Calling in: how to start making change with those you’d rather cancel’.
